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Une question assez récurrente de visiteurs qui veulent en savoir plus sur la mystérieuse gemmologie, m'amène à apporter une réponse à travers cette publication, déjà ancienne, de trois grands spécialistes...
LA GEMMOLOGIE DE LABORATOIRE . . .
LE TRAITEMENT DES GEMMES.
Emmanuel Fritsch, Jim Shigley et Bernard Lasnier
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Emmanuel Fritsch est professeur au Laboratoire de physique cristalline à l'Institut des matériaux de Nantes (imn).
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Jim Shigley est directeur de la recherche à l'Institut américain de gemmologie (GIA) à Carlsbad, en Californie.
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Bernard Lasnier est professeur Émérite de l'Université de Nantes.
Les gemmes subissent des traitements, parfois élaborés, qui en améliorent l'aspect. Grâce aux outils d'analyse, on décèle certaines modifications frauduleuses. C'est la lutte entre l'épée et le bouclier.
Place Vendôme, devant une joaillerie, vous tombez en admiration devant un diamant jaune. Alors que le prix normal d'un tel diamant naturel est proche de 120 000 francs par carat (0,2 gramme), le prix affiché est un quart de cette valeur. Hélas, le diamant jaune qui vous tente n'est qu'un diamant presque incolore qu'un traitement a jauni. Si le vendeur ne vous prévient pas du traitement subi, vous vous sentirez trompé. Pendant longtemps, les vendeurs omettaient de prévenir l'acheteur du traitement, ou bien ils ignoraient même que la pierre avait été traitée, participant ainsi à une véritable tromperie.
Aujourd'hui, les mentalités changent : en 1997, pour les fêtes de fin d'année, la chaîne de supermarchés Carrefour a publié un catalogue de bijoux dans lequel figurait la mention « traitée » pour certaines pierres. Ces prises de position redonnent confiance en un secteur économique en déclin. Cependant, l'aide du gemmologue, seul apte a déceler les traitements élaborés, demeure indispensable.
Depuis l'Antiquité, les joailliers améliorent les produits naturels. Le papyrus égyptien Graecus Holmiensis, qui date du IVe siècle de notre ère, donne déjà des recettes pour colorer certaines pierres. Sur les comptoirs des joailleries modernes, bien des surprises vous attendent : diamants et émeraudes aux fractures remplies, saphirs bleus chauffés, rubis bouchés, jades et turquoises imprégnés de polymères.
Qu'est ce qui différencie une gemme traitée d'une gemme naturelle ? Une gemme est naturelle si la taille est la seule intervention humaine qu'elle ait subie après extraction. Cette modification est purement géométrique : les propriétés physiques et chimiques de la gemme, ainsi que son contenu (ses inclusions, par exemple), sont inchangées. À l'inverse, le traitement modifie l'apparence des gemmes (c'est le but), et par conséquent certaines de ses propriétés.
L'ingéniosité humaine compense, par des manipulations, le déséquilibre entre la forte demande pour des gemmes superbes et leur rareté. Depuis le début des années 1980, ces manipulations se multiplient. Des techniques anciennes, mais peu répandues sont aujourd'hui appliquées aux gemmes les plus importantes du marché. De surcroît, les technologies de pointe (accélérateurs de particules, fours utilisés pour la conception des circuits intégrés) sont utilisées en joaillerie.
Dans tous les domaines de la contrefaçon, le secret des méthodes est jalousement gardé. Les traitements des gemmes n'échappent pas à cette règle. Aussi, pour percer leur nature, les gemmologues se livrent à un travail de détective. Ils ont mis au point de petits instruments adaptés à l'authentification des gemmes naturelles. Microscope binoculaire, réfractomètre ou lampe émettant des rayonnements ultraviolets de longueur d'onde spécifique sont autant d'instruments utilisés quotidiennement par les gemmologues. À l'aide de ces instruments, ils détectent efficacement la majorité des pierres traitées.
Certains traitements, telle la teinture ou le vernissage, sont décelés par un examen attentif de la pierre. D'autres sont plus élaborés, mais ne demandent pas une technique trop lourde. C'est le cas du chauffage qui, dans sa version classique, nécessite uniquement un four. En Thaïlande, les boutiques des grossistes contiennent presque toutes un tel four. La modification de l'atmosphère du four, en revanche, demande plus de moyens techniques. Enfin, l'irradiation des gemmes nécessite l'accès à un accélérateur de particules ou à un réacteur nucléaire, des appareils onéreux, et reste l'apanage des traitements industriels et des contrefacteurs organisés.
Certaines gemmes ont des propriétés extrêmement proches de celles des pierres naturelles. Les méthodes de détection efficaces sont alors chères et nécessitent une compétence technique qui dépasse celles d'un joaillier. Lorsque la spectrométrie par absorption, la fluorescence X ou la diffusion Raman sont indispensables, les expertises sont du ressort de laboratoires d'analyse. Après avoir détaillé les traitements, des plus courants aux plus élaborés, nous examinerons de quels outils disposent les gemmologues pour déceler les pierres traitées. Enfin, nous verrons comment le consommateur peut se prémunir contre la fraude.
Des pierres bien traitées ?
Les premiers contrefacteurs se sont enrichis parce que leurs contemporains ne se rendaient pas compte de la supercherie. Pour les maintenir dans l'ignorance, les textes anciens relatant ces pratiques sont rares. Les textes modernes ne sont guère plus largement publiés.
Les plus vieux traitements connus sont la teinture des pierres. Très utilisés entre le XVIIe et le XIXe siècle, la peinture, le vernissage ou la teinture le sont moins aujourd'hui. Toutes les pierres peuvent recevoir ces traitements, mais ils restent superficiels. En 1983, un diamant rose défraya la chronique, à New York. Présenté dans une vente aux enchères par Sotheby's, son apparence inhabituelle attira l'attention d'un gemmologue expérimenté. Au diamant rose originel avait été substitué un diamant de mêmes dimensions, mais bien moins cher : un diamant presque incolore, recouvert de vernis à ongles rose !
La porosité du matériau retient la teinture. Cette porosité est soit naturelle, soit « améliorée » par chauffage suivi d'une trempe modérée. Parmi les matériaux naturellement poreux teintés, on note le jade, les perles, la turquoise, le lapis-lazuli, mais aussi les variétés opaques du rubis et de l'émeraude.
Pour les opales, on utilise un procédé de teinture plus élaboré, nommée caramélisation. Les opales de la région d'Andamooka, en Australie, présentent des jeux de couleur typiques de l'opale noble, mais ces couleurs se remarquent à peine, car l'opale elle-même est très blanche. Ces plages colorées se voient plus aisément sur un fond noir ou foncé, d'où le coût élevé des opales noires naturelles. Pour foncer les opales, les Australiens les imprègnent d'une solution sucrée, puis les plongent dans l'acide. Celui-ci brûle le sucre et le transforme en noir de carbone qui reste piégé dans la porosité, donnant une opale noire « caramélisée » stable. Les contrefacteurs utilisent d'autres réactions chimiques pour piéger le colorant dans certaines agates ou certaines perles. La porosité des pierres résulte de microscopiques fractures à leur surface. Lorsque ces fractures sont trop importantes, elles sont apparentes. C'est un défaut répandu dont sont exemptes les rares belles gemmes.
Notes complémentaire d'Emmanuel Fritsch 2004
Le problème des diamants traités HPHT (haute pression, haute température) pour ce qui concerne les petites pierres jaunes, de l'ordre de 3 à 5 centièmes de carat, la reconnaissance pose actuellement de gros problèmes non résolus.
La même remarque s'applique également aux pierres roses ou bleues ayant subi le même traitement. A ce jour, les études en cours n'ont fait l'objet d'aucune publication bien qu'il existerait des critères d'identification.
Emmanuel Fritsch, Jim Shigley et Bernard Lasnier
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Emmanuel Fritsch est chercheur au CNRS et professeur au Laboratoire de physique cristalline à l'Institut des matériaux de Nantes (imn).
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Jim Shigley est directeur de la recherche à l'Institut américain de gemmologie (GIA) à Carlsbad, en Californie.
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Bernard Lasnier est professeur Émérite de l'Université de Nantes.
EN SAVOIR PLUS
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K. Nassau, Gemstone Enhancement, Butterworths, 1984. Traduit en français par Michèle May, 1990, mémoire de dug, Université de Nantes.
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P. Bariand et J.-P. Poirot, Larousse des pierres précieuses, Larousse, 1984.
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R.C. Kammerling, J.I. Koivula et R.E. Kane, Gemstone Enhancement and Its Detection in the 1980s, in Gems & Gemology, vol. 26, n° 1, pp. 32-49.
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