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Mise au point à propos de la SEXANGULITE !

Afin d'éviter les mises au POING ...

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       Page réalisée en collaboration avec :

Yves LULZAC

Yves MOËLLO

Nicolas STEPHAN

Cet article a été publié dans

"Le Règne Minéral" - 152 - mars/avril 2020

Aux côtés de la cérusite et de l’anglésite, la pyromorphite constitue un minéral classique d’oxydation de la galène par altération super gène des gisements de plomb. De manière assez rare, les minéralogistes ont observé, dans certains gisements, le processus inverse, c’est-à-dire le remplacement occasionnel de cristaux de pyromorphite par de la galène, pouvant aboutir à la formation de véritables pseudomorphoses qui ont jadis été nommées « sexangulites ». Cela a conduit à un usage abusif aujourd’hui de ce terme pour désigner certains spécimens, et il semble nécessaire de rappeler quelques éléments de base.

 

Pour commencer, il convient de remonter aux premiers travaux des minéralogistes. Dès 1801, René-Just Haüy, dans son Traité de Minéralogie, évoque la « mine de plomb noire, des cristaux de plomb phosphaté qui ont passé en tout ou en partie à l’état de plomb sulfuré... ». Au milieu du 20ème siècle, les minéralogistes allemands Blum (1843), Nöggerath (1846), puis Gergens (1856), ont décrit les pseudomorphoses de pyromorphite en galène dans différents gisements : Dreifaltigkeits et Himmelfirst en Saxe, Wheal-Hope en Cornouailles britanniques, Le Huelgoat en Bretagne, et Kautenbach dans le Palatinat.

 

Des échantillons de Kautenbach, près de Berncastel à 35 km au nord-ouest d’Idar-Oberstein, ont fait l’objet d’un réexamen en 1862 par Johann Breithaupt, professeur à Freiberg, à qui a été dédié la breithauptite (Ni Sb). Celui-ci a cru mettre en évidence un dimorphe de la galène en se basant essentiellement sur sa faible densité et son mode de clivage. 
C’est pourquoi il lui donna le nom de « sexangulit » en rapport avec son faciès en prismes hexagonaux.

 

Rappelons qu’à cette époque l’étude des minéraux métalliques (ou « minéraux opaques ») était très délicate en l’absence de cristaux bien formés propices à des mesures goniométriques. De nombreuses espèces minérales ont alors été définies pour être discréditées par la suite, grâce notamment à l’avènement des rayons X au début du 20ème siècle.

 

A l’époque, Breithaupt eut en main des échantillons de pyromorphite présentant le même type de transformation mais qui provenaient de la mine bretonne du Huelgoat qui était alors en exploitation sous la direction de mineurs allemands depuis la seconde moitié du 18ème siècle. Contrairement à ce qu’il avait pu observer sur les échantillons de Kautenbach, il constata que ces échantillons bretons étaient bien le résultat d’une transformation, ou pseudomorphose, de pyromorphite en galène certifiée. Et c’est pourquoi il réserva le terme de « sexangulit » aux seuls échantillons de la mine allemande.

 

Peu après, en 1868, ce terme sera repris par le minéralogiste allemand Naumann à l’occasion d’un complément d’étude sur cette particularité minéralogique.

 

Cependant, aucune étude ultérieure ne permit de valider cette « sexangulite ». Dans le Dana’s System of Mineralogy (sixième édition de 1904), le nom de sexangulite n’est déjà plus cité que pour décrire la pseudomorphose de pyromorphite en galène sur des échantillons de Bernkastel étudiés par Breithaupt. Par la suite, le nom de « sexangulite » semble être tombé dans l’oubli, y compris parmi les minéralogistes français ou anglo-saxons, qui se contenteront de désigner ces particularités minéralogiques sous les termes de « mine de plomb noir », « plomb sulfuré épigène » voire, tout simplement, de pseudomorphoses. Tandis que les auteurs allemands les désigneront encore sous les noms de « blaubleierz » ou « minerai de plomb bleu » en rapport avec une teinte bleue parfois visible sur certains échantillons présentant des traces de covellite, à mettre en relation avec une paragenèse cuprifère présente dans certains gîtes.

 

Récemment, le terme de « sexangulite » a été remis à la mode pour désigner les pseudomorphoses bretonnes qui ont toujours été considérées comme des raretés dignes de figurer en bonne place dans les collections minéralogiques privées ou publiques. Cependant, l’examen de tels échantillons, dont des photographies ont été publiées récemment dans la revue « le Règne Minéral » (hors série n°XVIII de 2012 consacré au district du Huelgoat-Poullaouen), peut conduire à remettre en cause la véritable nature de certaines prétendues pseudomorphoses.

Pyromorphite recouverte deplumbogummite et Plattnérite..

Mais il convient de préciser le terme de pseudomorphose qui peut parfois paraître quelque peu ambigu. Idéalement, il s’agit d’une transformation complète d’un minéral en cristaux automorphes par un autre, avec conservation des formes extérieures du minéral primitif.

 

Les exemples sont variés : citons les belles pseudomorphoses de magnétite en hématite de Patagonie, et celles de fluorine en calcédoine bleue de Trestia en Roumanie. Ou la pseudomorphose de scheelite en ferbérite, aussi dénommée « reinite », ou encore les « dés du diable » constitués de cubes de pyrite transformés en limonite...

 

La transformation est souvent incomplète : l’intérieur de la pseudomorphose peut montrer des résidus du minéral primitif, ou des cavités plus ou moins développées qui peuvent s’expliquer assez simplement : si, par exemple, le remplacement de la pyromorphite en galène se fait en ne réutilisant que le plomb fourni par la pyromorphite, la galène n’occupera alors que 83% du volume du minéral primaire.

 

Cependant, il convient d’éviter un usage abusif du terme de pseudomorphose. Si l’on admet qu’une certaine partie du minéral primitif a pu échapper à cette transformation, reste alors à en définir les limites. Peut-on, par exemple, parler d’une pseudomorphose lorsqu’un cristal de pyromorphite est simplement recouvert d’une couche à peine millimétrique de galène supposée ? La réponse est définitivement négative car, dans ce cas, on parlerait plutôt d’une épigénie, d’une épimorphose, voire d’une simple altération du cristal.

 

Dans le cas des échantillons du Huelgoat, ce problème est récurrent. En effet, à côté d’un remplacement intégral, ou très prononcé, de la pyromorphite par de la galène, donc d’une véritable pseudomorphose, il existe probablement, à la vue de certaines photographies, de nombreux échantillons montrant des cristaux de pyromorphite simplement recouverts d’une mince pellicule d’un minéral noir censé être de la galène. Évidemment, si ces cristaux de pyromorphite sont cassés, il sera très facile de constater ce fait, le plus souvent à l’œil nu ou à la loupe x10. Cependant, si ces cristaux sont intacts, chose évidemment très désirable pour tout collectionneur averti, on ne pourra pas dire si l’on a affaire à une véritable pseudomorphose. Il faudra alors se résoudre à briser un cristal, sacrifice propre à dénaturer la valeur de l’échantillon.

 

Mais le problème ne sera pas pour autant résolu car, contrairement à la croyance générale, il s’est avéré que cette croûte noire qui recouvre les cristaux de pyromorphite du Huelgoat, n’est pas nécessairement constituée de galène.

 

En effet, des analyses chimiques ont été réalisées à l’aide d’un microscope électronique à balayage (MEB Jeol 3800) sur un petit fragment d’une pellicule noire millimétrique recouvrant un cristal de pyromorphite faisant partie d’un ensemble développé sur de la galène massive. Les résultats obtenus sur la face externe de la pellicule ont montré la présence des éléments Pb, P et O (analyse n°1), et des éléments Pb, Al, P et O (analyse n°2). Ce qui, en première approximation, pourrait correspondre à un mélange de pyromorphite résiduelle et de plumbogummite, minéral dont le gisement du Huelgoat constitue la localité-type. On pourrait éventuellement envisager aussi la présence de traces de plattnérite dont la couleur noire pourrait être responsable de la couleur générale de cette pellicule. Quant à la face interne de la pellicule, elle montre les éléments Pb, P et O correspondant à une pyromorphite non transformée et probablement envahie par des traces de plattnérite.

 

Dans ces trois analyses, on doit souligner l’absence totale de soufre, donc de galène. Bien sûr, ces résultats obtenus sur un même échantillon, ne sauraient être extrapolés à l’ensemble des échantillons de ce type connus sur le gisement du Huelgoat. Dans d’autres cas, il est probable que ces pellicules soient effectivement constituées de galène, associée ou non à d’autres espèces minérales. Pour le savoir, il faudrait multiplier les analyses, lesquelles aideraient peut-être à révéler, grâce à quelques différences d’aspect (couleur, éclat, état de surface, etc.), la présence ou non de galène en remplacement de la pyromorphite, ce qui éviterait de détériorer des échantillons de grande qualité. Et cela mettrait fin à toute contestation et à valoriser les véritables pseudomorphoses qui ne sont peut-être pas aussi fréquentes qu’on le pense dans ce gisement du Huelgoat.

Pyromorphite entièrement pseudomorphosée en galène.

Maintenant, il conviendrait d‘aborder la question scientifique sous-jacente à ces pseudomorphoses : quel est le processus géochimique qui a permis d’inverser la réaction, pour transformer un minéral d’oxydation super gène (la pyromorphite) en galène ?

 

Cette question a été abordée récemment par Klein et Makl (2017) qui se sont focalisés sur le gisement de Kautenbach, et ont examiné également des échantillons d’autres gisements. De cette étude très fouillée on retiendra, dans le cadre de cette note, les conclusions suivantes :

1- Dans les échantillons sélectionnés à Kautenbach, de la pyromorphite subsiste à l’intérieur des pseudomorphoses, l’écorce qui la remplace est un mélange intime de galène dominante et de fluorapatite.

2- Ce processus de pseudomorphose résulte ici de l’action tardive de sources thermales issues des gneiss sous-jacents.

3- L’examen d’un échantillon du Huelgoat montre un remplacement par de la galène massive, ce qui suppose un apport de plomb et le mélange de deux fluides. La plumbogummite apparaît en surcroissance par rapport aux faces cristallines primitives de la pyromorphite et sa formation serait donc contemporaine de celle de la pyromorphite et précèderait la pseudomorphose en galène.

 

Ce dernier point s’accorde avec les résultats de l’analyse au MEB, pour indiquer que certaines pellicules noires recouvrant des cristaux de pyromorphite au Huelgoat, seraient pour l’essentiel constituées d’uns surcroissance précoce de plumbogummite.

 

De manière générale, le processus de pseudomorphose agit ainsi de manière très irrégulière à l’échelle d’un gisement, et obéit à des contraintes géochimiques variables d’un gisement à l’autre.

 

 

L’examen comparatif d’échantillons variés du Huelgoat serait utile pour essayer de cerner les conditions de formation de telles pseudomorphoses dans ce gisement, à l’image de ce qui a été réalisé pour le gisement de Kautenbach par Klein et Markl.

 

 

En conclusion, pour ce qui concerne ce nom de « sexangulite », il faut considérer qu’il s’agit d’un terme suranné qu’on peut, à la rigueur, garder avec de gros guillemets, sur les étiquettes d’échantillons historiques de pseudomorphoses massives de pyromorphite en galène de la mine de Kautenbach. Son usage, pour désigner des pseudomorphoses provenant d’autres gisements, n’a aucune base scientifique et

doit donc être rejeté.

Photographie d'une "sexangulite" de Kautenbach.

Sexangulite de Kauterbach.

Photo trouvée sur Google, l'URL de "RB" n'existant plus, j'ai fait une recherche,

la même sans fond, non détourée, a été trouvée sur Géoforum,

dans un post dont le pseudo est Théophraste.

Si Théophraste se reconnait, j'aimerais qu'il me contacte via le lien

CONTACT du site, un certain nombre de ses photos de

pseudomorphoses m'intéressent pour illustrer une page en 

cours de construction.

Source :

Yves LULZAC

Yves MOËLLO

Nicolas STEPHAN

Bibliographie utilisée par les auteurs :

Blum, 1843

Nöggerath, 1846

Grengen, 1856

Breithtaupt 1863

Neumann

Klein et Mark, 2017

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